Vous ne le saviez peut-être pas mais depuis la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 “confortant le respect des principes de la République” (laissez-moi rire !) ayant pour but à peine dissimulé de mettre fin au principe la liberté d’instruction certaines familles sont entrées en désobéissance civile officielle.
Nous publions ici la lettre de l’une d’entre elles qui explique les raisons de sa démarche. C’est une démonstration magistrale. C’est limpide, c’est clair, l’argumentation est imparable. Il n’y a rien à ajouter, rien à répondre. D’ailleurs, “ils” n’ont pas répondu…
Pour tenter de véritablement conforter le respect des principes de la République et défendre la liberté d’instruction telle que définie à l’article 26-3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (« Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants »), des familles se sont unies et se sont constituées en collectif. Le collectif “Pépites” est l’un d’eux : https://twitter.com/Pepites_ief
Quelle est la première chose qu’on apprend l’école ? … Obéir. Pourquoi ? Parce que c’est le plus important. Pas pour nous, pour “eux”. Et si on apprenait à désobéir ???
Voici la lettre :
Famille Antelme Bonafoux
Eybens, le 1er septembre 2022
à
DSDEN de l’Isère
à l’attention du DASEN-IA
1 rue Joseph Chanrion
38000 Grenoble
Copies à la rectrice de l’Académie, le maire d’Eybens, la députée de notre circonscription, le ministre de l’éducation nationale, le procureur de la République, la défenseure des droits, les associations LEDA, UNIE, FELICIA, Liberté Education et le collectif PEPITES.
Objet : déclaration de désobéissance civile officielle.
Monsieur, madame,
Nous avons l’honneur de vous informer que notre famille fait officiellement le choix de se mettre en désobéissance civile pour défendre la liberté d’instruction. Il s’agit d’un acte politique que nous déclarons en gendarmerie. Nous contactons aussi la presse, les élus et les associations qui œuvrent pour cette liberté.
Jusqu’à présent, nous avons toujours respecté la législation concernant l’instruction en famille mais cette année, c’est moralement impossible. Notre conscience nous interdit d’obéir à l’article 49 de la loi n°2021-1109 du 24 août 2021. En effet, cette loi ne respecte pas le principe constitutionnel de la liberté d’instruction, qui est essentiel pour le bien-être des enfants. Ces derniers ne pouvant pas défendre eux-mêmes leur droit, il est nécessaire que les adultes se mobilisent pour cela.
De plus, nous tenons à être solidaires de toutes les familles en détresse, qui voulaient instruire tranquillement leurs enfants chez elles à partir de septembre et qui en sont empêchées par vos services, de façon totalement arbitraire.
Peut-être avez-vous reçu des consignes de votre ministère (il y a eu des fuites sur les réseaux sociaux… l’ordre aurait été donné de refuser en masse les demandes…). Nous ne savons pas si c’est vrai. Mais nous savons qu’une démocratie ne peut pas faire disparaître une liberté quand elle ne nuit pas à l’ordre public. Or, l’instruction en famille ne nuit à personne. Elle profite même, plutôt, à tous, en formant les enfants, gratuitement, à la place de l’Etat.
Cette loi, controversée, a été adoptée dans l’esprit de préserver la liberté d’instruction. C’est ce qui l’a rendue constitutionnelle. Il n’était pas question de faire disparaître ce droit historique ! De nombreuses citations de députés et de M. Blanquer, le prouvent. Les familles qui ne posaient pas problème ne devaient pas être inquiètes… Elles pourraient instruire en famille à la rentrée 2022… On sait maintenant que c’est faux, car la grande majorité des nouvelles demandes sont refusées. Or, en tant que fonctionnaire (donc au service de la population) vous avez l’obligation de désobéir à une loi manifestement illégale (art L121-10 du Code de la Fonction Publique). J’espère donc que vous allez réagir car c’est votre responsabilité individuelle qui est en jeu.
De notre côté, nous sommes en train d’alerter la population de la disparition de cette liberté essentielle qui pourtant permet chaque année à des milliers d’enfants d’apprendre sereinement et à leur rythme, les notions du socle commun.
Nous avons suivi attentivement la façon dont cette loi « confortant le respect des principes de la République » a été adoptée, de la première annonce du président de la République le 2 octobre 2020 jusqu’à son adoption le 4 août 2021.
Si le sujet n’était pas si grave, on pourrait sourire à l’idée qu’une loi, si joliment nommée, puisse aboutir au non-respect de la devise républicaine et du bloc de constitutionnalité…Mais nous n’avons pas envie de rire.
Je vais quand même nous présenter en quelques mots : je suis née en France, je suis allée à l’école (personne ne savait dans ma famille que l’école n’était pas obligatoire). J’y ai été bonne élève. Et je m’y suis pourtant ennuyée à mourir. J’ai pourtant grandi dans un milieu favorable à cette institution. J’ai eu un parcours particulier (j’ai refusé de passer le BAC) mais j’ai, quand même, fait avec succès des études supérieures. Sans qu’on me l’impose, le jour où j’en ai ressenti le besoin. Je suis donc diplômée et imprégnée de valeurs démocratiques et républicaines (mon grand-père était d’ailleurs un farouche militant républicain). J’ai été élevée dans l’idée que mon pays était celui de la liberté et des droits de l’homme… Mère de 5 enfants et grand-mère d’une petite-fille de 3 ans, je veux les voir vivre dans un pays où le mot LIBERTE a encore un sens. Je ne peux tolérer de voir un principe constitutionnel (essentiel pour les enfants) ainsi malmené par notre gouvernement.
Le père de mes enfants a eu un vécu difficile à l’école, il a connu l’échec scolaire (qui est en fait l’échec de l’institution scolaire) et approuve totalement la déscolarisation de nos enfants. Il a les mêmes valeurs républicaines que moi.
Nous regardons donc avec stupeur les mesures liberticides employées depuis quelques années par les personnes qui nous gouvernent… et nous nous disons souvent « mais jusqu’où iront-ils ? »…Nous n’avons pas la réponse, mais quand nous voyons ce qu’il se passe pour la liberté d’instruction, nous sommes sérieusement inquiets.
La liberté d’instruction est vitale pour de nombreux enfants ( ceux qui sont en difficultés– et ils sont nombreux!- et ceux qui subissent du harcèlement). Elle est aussi primordiale pour tous ceux qui n’ont pas envie d’aller à l’école et qui préfèrent apprendre en famille, ou ceux dont les familles veulent s’occuper durant leur enfance…Nous rappelons, à ce propos, qu’on peut faire un choix de vie différent ET respecter les principes républicains, ce n’est pas incompatible. Cela n’a, d’ailleurs, jamais posé de problème depuis l’adoption des lois instaurant l’instruction obligatoire en 1882.
Par ailleurs, vouloir imposer l’école à tous les enfants est étonnant, vu la situation de cette institution depuis plusieurs années ( mauvais classement PISA par exemple), les budgets réduits ne permettent pas aux enseignants (pourtant souvent motivés et de bonne volonté) de consacrer à chaque enfant, le temps dont il aurait besoin pour s’épanouir réellement. Les programmes surchargés et répétitifs n’ont aucun sens pour de très jeunes enfants (et même souvent pour les enfants plus âgés). Les pédagogies alternatives peinent à s’imposer dans l’école publique… la situation est tellement dramatique que les enseignants démissionnent en masse… Vouloir mettre tous les enfants à l’école, dans ces conditions-là, est un saccage (en plus d’être une mesure inconstitutionnelle).
On peut me rétorquer que certains enfants s’épanouissent à l’école… Oui. Peut-être. Sûrement. Et alors ? Déjà, il faudrait être sûr qu’ils sont au courant que l’école n’est pas obligatoire… car beaucoup de personnalités politiques (y compris des ministres) ont martelé, pendant des années, ce mensonge qui est repris en boucle dans les médias : « l’école est obligatoire »… du coup, les enfants croient que c’est vrai… et s’adaptent. Mais, dans tous les cas, même si certains enfants sont heureux à l’école, ce n’est pas une raison pour la rendre obligatoire pour tous. « liberté… » est bien le premier mot de la devise républicaine, non ?
A quoi bon parler de principes républicains à respecter, quand l’Etat lui-même est incapable de le faire ?
Il est bon aussi de se rappeler qu’un droit ne constitue pas une obligation… on peut faire une analogie avec le droit à l’avortement : le fait que les femmes aient obtenu ce droit ne doit en aucune manière les OBLIGER à avorter. En matière d’instruction, le droit des enfants est de pouvoir avoir accès à un socle de connaissances qui leur permettra de devenir des adultes éclairés ayant un bon esprit critique. Cet accès à l instruction peut se faire sans aucun problème à la maison (98% des contrôles positifs le prouvent)…le droit à l instruction ne doit pas se transformer en obligation de présence dans un établissement scolaire. Ce serait un dérapage nocif pour les enfants.
Et puis il y a un autre problème : nous ne supportons plus les discriminations envers les familles musulmanes. Ce n’est pas parce que quelques fous furieux font des attentats que toutes les familles doivent être montrées du doigt et interdites d’instruction en famille ! Cet amalgame, fait par le président en octobre 2020 est inadmissible. De plus, sur ce sujet, des propos diffamatoires ont été tenus par les membres du gouvernement et par certains députés, qui ne connaissent visiblement RIEN à l’instruction en famille, mais qui se sont posés en « experts » dans les médias et qui ont sali la réputation de toutes les familles en IEF, en les assimilant à des « séparatistes » et en affirmant que nos enfants étaient des « fantômes de la République ». C’est totalement faux ! Les deux derniers rapports de la DGESCO le prouvent. Il n’y a aucun lien entre le séparatisme et l’instruction en famille. Bizarrement, ces rapports n’ont été rendus publics qu’après l’adoption de la loi… la moindre des choses seraient donc que ces élus expriment leurs excuses et publient des démentis. Ça n’a jamais été fait. L’ancien ministre de l’éducation, M. Blanquer avait d’ailleurs affirmé devant le Sénat, quelques mois avant l’adoption de la loi, que l’instruction en famille était très bien encadrée par les lois existantes… alors pourquoi avoir tenu à imposer cette loi ?
En tant que citoyens impliqués dans la vie de notre pays, nous avons pu constater l’année dernière que l’adoption de cette nouvelle loi ne respectait pas les règles démocratiques de base. Le débat démocratique a été bafoué. L’avis des principaux intéressés (enfants, familles en IEF et associations nationales) est passé à la trappe… 1 seul député (sur 577) a pris la peine d’interviewer 60 enfants déscolarisés (Gregory Labille, ancien professeur, il y a passé 6h, merci à lui !). Et sa conclusion était catégorique : il ne fallait pas toucher à la liberté d’instruction. Sa voix n’a pas été entendue.
Enfin, les juridictions suprêmes n’ont pas joué leur rôle de garde-fou correctement. Il y a eu un gros problème au niveau du Conseil d’Etat (rapport Bergeal : le Conseil d’Etat était prêt à rendre une décision favorable à l instruction en famille et cette décision a été modifiée dans la nuit, sans que l’ on sache par qui…).
Quant au Conseil Constitutionnel, il a validé cette loi, ce qui déjà, n’a pas de sens (quand on voit la liste des membres qui composent cette haute juridiction, on est en droit de se poser des questions sur leur neutralité…). La liberté d’instruction faisant partie du bloc de constitutionnalité, il était compliqué de s’asseoir dessus sans provoquer un tollé. Il a donc imposé un aménagement pour la rendre constitutionnelle : le gouvernement a fini par rajouter, à contrecœur, le motif 4 tout en le laissant suffisamment flou pour que son application permette de le vider de son contenu… ce tour de passe-passe n’a pas échappé aux familles qui tiennent à préserver la liberté d’instruction de leur enfant, et nous en faisons partie. Le motif 4 contient en prime une mesure discriminatoire inadmissible : il impose le BAC à tous les parents motivés pour instruire leurs enfants en famille…
Cela sous-entend que nos concitoyens non-bacheliers ne seraient pas assez instruits pour s’occuper personnellement de l’instruction de leurs enfants… les autodidactes apprécieront. Et la masse de gens non-diplômés qui travaillent quotidiennement pour enrichir le pays, aussi. En résumé, les parents non-bacheliers sont assez diplômés pour payer leurs impôts … mais pas suffisamment pour instruire leurs enfants ? Soyons clair : il n’y a pas besoin du BAC pour donner une instruction correcte à ses enfants. Cette mesure est une véritable aberration et doit être supprimée au plus vite. D autant que cette exigence de diplôme n’existait pas jusqu’à maintenant et que ça n’a empêché aucun parent de donner une instruction correcte à ses enfants. D’ailleurs, il n’y a aucune exigence de BAC pour les motifs 1, 2 et 3.
Face à autant d’observations problématiques, nous nous demandons où est passé le contre-pouvoir dans ce pays ? Et nous nous devons de réagir.
Nous constatons dans le collectif PEPITES et dans les associations dont nous sommes adhérents, que depuis juin, les familles reçoivent massivement des refus injustifiés (exception faites des familles ayant, pour le moment, l’autorisation de plein-droit. Nous faisons partie de ces familles, car notre fils, déscolarisé depuis 5 ans, a toujours eu des retours de contrôle positifs). Les parents et les enfants sont désespérées et ne savent plus quoi faire pour faire respecter leurs droits, comme l’article 26-3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ». Certaines partent à l’étranger, d’autres, comme nous, ayant toujours respecté la loi, rentrent en désobéissance civile. Ce n’est pas digne de la démocratie française.
Nous militons depuis longtemps pour un monde meilleur, un monde qui valorise chaque individu en le tirant vers le haut, dans la non-violence et l’épanouissement personnel. Un monde où l’uniformité n est pas la norme. Cela commence dès l’enfance. En respectant les différences de chacun et les choix alternatifs que les familles peuvent faire. Nous voulons une société où les enfants puissent grandir sans que les adultes fassent disparaître leurs libertés fondamentales.
Pour toutes ces raisons, nous nous positionnons en désobéissance civile officielle, et nous y resterons jusqu’à l’abrogation de cette loi inique.
Nous allons donc continuer à déclarer notre enfant en instruction en famille, comme nous l’avons toujours fait jusqu’à maintenant, par un courrier simple à l’inspection d’académie, au début du mois de septembre, conformément aux ANCIENS articles L.131-2 et suivants du Code de l’Éducation. Nous restons à votre disposition, par mail, pour répondre à vos questions éventuelles et vous rencontrer, si besoin.
Nous vous prions d’agréer, monsieur l’inspecteur, madame l’inspectrice, notre considération la plus distinguée.
Famille Antelme Bonafoux